La concentration #1, le moyen le plus efficace pour travailler sa guitare
Savoir travailler concentré, l’attention pleinement focalisée est un super pouvoir.
C’est probablement le super pouvoir le plus important que l’on puisse avoir aujourd’hui.
Rester focalisé sans détourner son attention est le meilleur moyen de réaliser ses objectifs, et d’acquérir rapidement de nouvelles compétences ou de traiter des sujets complexes.
Et c’est particulièrement vrai en musique, ou la pratique délibérée, qui permet d’atteindre des sommets, requiert une attention dirigée sur des points techniques ciblés.
Pour illustré le propos, j’ai résumé le livre de Cal NewPort : Deep Work.
C’est à mon sens un ouvrage incontournable tant ce qui est exposé est ancré dans notre quotidien.
La première partie du livre peut sembler hors de propos concernant la musique, mais elle met en lumière une réalité qui s’applique parfaitement dans le domaine musical. Seuls ceux qui maîtrisent leur concentration se démarquent de la masse par la qualité de leur travail.
Les réseaux sociaux, la messagerie électronique et de nombreux de sites internet essaient de captiver notre attention, alors que cette ressource est précieuse et limitée.
Comme l’explique K. Anders Ericsson, la concentration est limitée à 1h pour un novice et peut s’étendre jusqu’à 4h pour un expert. Laisser cette ressource s’épuiser pour des activités dont la valeur n’est pas en rapport avec vos objectifs est un incroyable gâchis.
En travaillant avec une concentration intense, nous pouvons cibler et renforcer de manière précise les circuits neuronaux permettant de progresser efficacement à la guitare et en musique plus généralement.
C’est ce qui fait la différence entre un guitariste qui progresse à vive allure et celui qui stagne. Travailler son instrument dans un état de concentration intense permet de dépasser les limites qui semblaient à l’origine infranchissables.
Combien de fois avez-vous exécuté un exercice technique en pensant à autre chose ?
Imaginez ce que vous pourriez tirer de ce même exercice en travaillant avec une attention dirigée sur chacun de vos mouvements. Vous pourriez comprendre en détail ce qu’il faut corriger et ainsi décupler votre progression en un temps record.
La seconde partie de l’ouvrage, dont le résumé sera publié dans autre article, donne de nombreuses stratégies pour accroître la concentration. Des techniques souvent très simples à mettre en place pour progresser efficacement dans ce domaine.
En résumant ce livre, j’en ai extrait les grandes lignes théoriques et les bonnes pratiques proposées par l’auteur. Mais l’ouvrage renferme de nombreux exemples et références d’articles scientifiques passionnants qui permettent d’aller plus loin dans la compréhension des mécanismes cognitifs de l’attention.
Bonne lecture !
Sommaire
Introduction
Carl Gustav Jung est un médecin psychiatre suisse fondateur de la psychologie analytique.
En 1922, il fait l’acquisition d’un domaine situé à Bolligen dans le canton de Saint-Gall en Suisse, où il y fait construire un petit château connu aujourd’hui sous le nom de Tour de Bollingen.
Ce refuge situé à l’écart de l’agitation de la ville de Zurich, lui permet de travailler au calme, loin de toutes les distractions. Ainsi retiré du monde, il peut mener une réflexion approfondie permettant de faire progresser ses pensées et son travail.
Le travail en profondeur, concentré, focalisé et sans distractions, tel que nommé par l’auteur Cal Newport, est le moyen de fournir un travail de grande qualité, et ainsi se démarquer des autres, être différent. La travail en profondeur accroît la créativité ainsi que les capacités de concentration.
Mark Twain, l’auteur de nombreux romans dont les célèbres aventures de Tom Sawyer, avait fait construire une cabane au fond de son jardin, le plus éloigné possible de l’habitation principale.
Joanne K. Rowling, autrice de la série Harry Potter, travaillait loin des bruits médiatiques et des réseaux sociaux. Les romans sont rédigés sans ordinateur, avec simplement papier et stylo. Tout comme le faisait Woody Allen.
Bill Gates, fondateur de Microsoft, est connu pour s’isoler régulièrement plusieurs jours de suite, souvent au bord d’un lac, afin de réfléchir.
L’auteur de science-fiction Neal Stephenson, préfère rester injoignable afin de pouvoir se consacrer pleinement à l’écriture. Sur son site internet aucune information ne permet de le contacter, et il n’est pas présent personnellement sur les réseaux sociaux.
La grande majorité des gens qui travaillent, que l’on nommera travailleurs du savoir, passent une grande partie de leur temps à répondre à des mails, à surfer sur internet, ou sur les réseaux sociaux. Leurs tâches quotidiennes sont sans cesse interrompues. Tels des machines qui transfèrent des messages, ils font un travail superficiel sans réelle valeur.
Les outils de réseaux nuisent au travail en profondeur. Les interruptions qu’ils provoquent participent à la réduction des capacités cognitives et de concentration.
Après des études d’économie à l’université de Virginie, Jason Benn décroche un poste de consultant financier. Il se rend rapidement compte que les tâches qui occupent ses journées pourraient simplement être automatisées. Ainsi, ce qui occupait 6h de ses journées, pouvait s’effectuer en moins d’une heure. Jason Benn se posa alors la question de la valeur de son poste. Il démissionne et décide de réorienter sa carrière pour devenir programmeur informatique.
Alors qu’il commence à étudier de lui-même, il se rend compte combien se concentrer est difficile. Il passe 98% de son temps à surfer sur la toile et vérifie ses mails de manière compulsive.
Pour étudier de manière plus efficace, Jason s’enferme dans une pièce, sans ordinateur, loin de toute distraction. Ces séances de concentration sans distraction sont au début très difficiles. Mais il s’accroche, et petit à petit sa capacité de concentration augmente, et il devient plus efficace.
Après 2 mois de travail intense, il participe au Dev Bootcamp et termine major de sa classe. Puis il décroche un poste de développeur au sein d’une startup de San Francisco. Afin de pouvoir travailler efficacement, il commence tôt le matin. Il arrive ainsi à cumuler 4h de travail pleinement concentré avant la première réunion de la journée. Durant ses heures de programmation, Jason ne consulte pas ses e-mails et ne surfe pas sur la toile. Il reste concentré et ne fait que de la programmation.
Cal Newport, auteur de l’ouvrage, est un spécialiste de l’informatique théorique. Il possède un doctorat en “Theory of computation” obtenu au prestigieux Institut de technologie du Massachusetts, le MIT. Il est partisan du travail en profondeur, ou travail concentré. Il est absent des réseaux sociaux, ne surfe pas sur internet et obtient la majorité de ses informations d’ouvrages et de journaux papier.
Grâce au travail en profondeur, Cal Newport à durant les 10 dernières années :
- rédiger 4 livres,
- obtenu un doctorat,
- lu un grand nombre d’ouvrage
- obtenu un poste de professeur à l’université de GeorgeTown
Il a su maintenir un rythme de travail soutenu sans jamais terminer au-delà de 17h ou 18h. Il s’efforce de réduire les taches superficielles, et arrive à travailler de manière concentré 4h à 5h par jour, 5 jours par semaine. Ce qui lui permet d’être présent pour sa femme et ses enfants. Il n’ouvre son ordinateur à la maison que pour la rédaction d’articles sur son blog, le soir lorsque les enfants sont couchés. Mais il ne consulte pas ses mails lorsqu’il est à maison.
Le travail en profondeur est une habileté d’une valeur inestimable.
Apprendre à travailler de manière concentrée et sans distraction permet d’atteindre les objectifs que l’on se fixe, de créer quelque chose d’utile et d’une valeur sans limite.
Partie 1 – Le concept
Chapitre 1 – Le travail en profondeur est une expérience d’une grande valeur
Nate Silver est un statisticien spécialisé à l’origine dans les calculs statistiques des résultats de baseball. Mais il s’illustre particulièrement en 2012 lors de la campagne présidentielle Américaine entre Barack Obama et Mitt Romney. A 35, Nate Silver est un as des données, capable d’analyser un grande quantité d’informations et de statistiques.
David Heinemeier Hansson est un champion de la programmation. Il est l’auteur du framework Ruby On Rails, sur lequel repose de nombreux sites. Il a été en 2005 récompensé hacker de l’année par Google et O’Reilly.
John Doerr, est un investisseur en capital risque. Il rejoint en 1980 l’entreprise Kleiner Perkins Caufield and Byers, et réalise le financement de certaines entreprises technologiques parmi les plus prospères au monde, dont Amazon, Google ou Sun Microsystems.
Pourquoi Nate Silver, David Heinemeier Hansson et John Doerr ont-ils si bien réussi ?
Dans leur ouvrage de 2011 intitulé Race Against the Machine, Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee expliquent que l’avènement de la technologie numérique, telles que les machines intelligentes et les connexions à haut débit, modifie le marché du travail de manière inattendue.
La technologie évolue rapidement, laissant nos compétences et nos organisations à la traîne. Ainsi les entreprises sont de plus en plus susceptibles d’embaucher de nouvelles machines intelligentes et non de nouveaux salariés.
La ou l’humain n’est pas remplaçable, les outils de communications ultra performant et le télétravail permettent aux entreprises d’externaliser les rôles clés en les confiant le temps d’une mission aux superstars du secteur.
Cette restructuration ne fait pas baisser tous les emplois, mais les divise. Bien qu’un nombre croissant de personnes perdent leur emplois en raison d’un manque de compétences, de l’automatisation de leur tâches, ou sont facilement externalisés, d’autres arrivent à prospérer, devenant plus valorisés et donc plus récompensés qu’avant.
Ces nouveaux héros de l’air numérique peuvent être divisés en 3 catégories : les salariés extrêmement qualifiés, tel que Nate Silver, les supers stars tel que David Heinemeier Hansson et ceux ayant accès aux capitaux, les investisseurs tel que John Doerr.
Les salariés extrêmement qualifiés
On désigne sous le terme de salariés extrêmement qualifiés, les personnes capables de comprendre et manipuler des outils complexes tels que les machines intelligentes, ou de raisonnements abstraits basés sur les données.
Les supers stars
Les supers stars sont en quelque sorte les personnes les plus compétentes dans leur domaine.
Avec l’arrivée des communications à haut débit rendant possible le télétravail, il est souvent moins coûteux pour une entreprise d’embaucher le temps d’une mission la superstar du secteur afin d’assurer le meilleur résultat possible, plutôt que de maintenir le poste d’un salarié moins qualifié.
Dans ce scénario ou l’employeur choisit toujours la crème de la crème, les employés peu qualifiés souffrent alors que les rockstars raflent la mise.
Les investisseurs ou propriétaires
Les propriétaires sont les personnes disposant d’un capital à investir dans les nouvelles technologies. Un choix judicieux permet de faire fructifier le capital investi de manière très importante.
Jamais dans l’histoire l’apport du travail n’aura autant produit de valeur qu’aujourd’hui.
Instagram par exemple, a été vendu 1 milliard de dollars alors qu’elle n’employait que 13 personnes.
Synthèse des idées abordées
L’évolution rapide de la technologie a engendré une restructuration importante de l’économie. Cette évolution laisse apparaître 3 groupes de personnes capables de prospérer au sein de cette nouvelle économie.
Si ces groupes sont importants pour l’argumentaire du présent ouvrage, ils ne sont pas les seuls à pouvoir évoluer de la sorte. De même que la tendance économique évoquée n’est pas la seule tendance actuelle.
Mais l’important, est que ces groupes vont réussir. Si vous parvenez à faire partie de l’un de ces groupes, vous connaîtrez le succès, sinon votre situation sera plus précaire.
Comment triompher dans la nouvelle économie ?
Pour réussir dans un environnement complexe, deux capacités sont essentielles :
- la capacité à maîtriser les outils avancés et les choses difficiles.
- la capacité à produire un travail exceptionnel en termes de qualité et de rapidité.
Nate Silver, l’as des données et de la statistique, utilise pour produire ses prédictions un outil complexe, le logiciel Stata édité par Statacorps, dans lequel il agrège un grand nombre d’informations. Ce type de compétence ne s’acquiert clairement pas en bricolant.
Le champion de la programmation David Heinemeier Hansson, a, pour la conception du framework Ruby On Rail, poussé ses compétences et habiletés bien au-delà de ses limites.
Ainsi il en ressort que les deux capacités essentielles précitées, aussi importantes soient-elles, ne sont pas suffisantes pour réussir. Ce qui distingue avant tout Nate Silver et David Heinemeier Hansson, est qu’ils ont su produire un résultat démontrable.
En conclusion, pour réussir, il faut pousser ses habiletés au-delà de leur limite et produire des résultats tangibles et démontrables.
Nate Silver a appris à maîtriser la statistiques et les outils complexes alors qu’il travaillait avec d’autres statisticiens sur les résultats de la ligue de baseball. Mais il a été le seul à faire l’effort de sortir de son domaine pour démontrer ses capacités.
Mais alors, comment entretenir ses capacités ?
Les deux capacités que nous venons de voir sont conditionnées par votre faculté à réaliser un travail en profondeur.
Le travail en profondeur vous aide à apprendre rapidement de choses difficiles
Les premières idées sur l’importance de la concentration et la nécessité d’apprendre à maîtriser des contenus complexes ont été formulées dans les années 1920 par Antonin Dalmace Sertillanges, un prêtre dominicain français, dans son ouvrage La vie intellectuelle; son esprit, ses conditions, ses méthodes.
Au début des années 90, le professeur de psychologie de l’université de Floride, K. Anders Ericsson, formalisera plus clairement les recherches universitaires effectuées sur le sujet sous le nom de Pratique Délibérée.
“Nous refusons d’admettre que ces différences, entre les experts et les adultes normaux, sont immuables. Nous affirmons qu’elles reflètent une vie passée à effectuer délibérément des efforts pour améliorer nos performances dans un domaine donné”.
“Les génies mêmes, ne furent grand que par l’application de toutes leurs forces sur le point où ils avaient décidé de donner leur mesures”.
A.D. Sertillanges
La Pratique Délibérée, repose sur deux principes fondamentaux:
- Une attention centrée sur une habileté bien précise, une compétence à acquérir ou une idée à maîtriser,
- Un feedback régulier permettant de corriger l’approche.
En travaillant de façon concentrée sur une habileté précise, nous activons un circuit cérébrale particulier. A force d’activation, les axones des neurones de ce circuit vont renforcer leur isolation grâce à une substance sécrétée par les oligodendrocytes, appelée myéline. Plus un axone est isolé, plus il est efficace.
En revanche, lorsque nous travaillons avec un niveau faible de concentration, en raison de distractions ou d’interruptions (messageries, facebook, etc …), nous activons trop de circuits cérébraux différents pour que la compétence que nous cherchons à acquérir soit parfaitement isolée.
En conclusion, pour apprendre des choses difficiles, il faut se concentrer et ne pas être distrait. L’apprentissage est un travail en profondeur.
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Le travail en profondeur vous aide à réaliser une production d’exception
En 2013, Adam Grant est le plus jeune professeur titulaire de la Wharton School of Business. Un an plus tard, il devient le plus jeune Full Professor (professeur associé) de la Wharton.
Comment fait-il pour progresser aussi rapidement ?
Il produit !
Adam Grant organise son temps de façon à regrouper le travail intellectuel sur de longues périodes ininterrompues.
Lors de ses recherches, il alterne des périodes où sa porte reste ouverte aux étudiants et autres professeurs, avec des périodes de travail ou il s’isole totalement, allant jusqu’à mettre un message d’absence sur son répondeur et sa messagerie.
Durant les périodes d’isolement, il se concentre sur une seule tâche et conserve une concentration importante, détachée de toutes distractions jusqu’à ce que la tâche soit terminée.
Cette organisation lui permet de fournir un travail d’exception et de produire un grand nombre de publications de qualité, en moyenne 7 par an. Il avait ainsi à son actif en 2014, 60 publications évaluées par ses pairs, et publié un ouvrage qui a fait la une du New York Time Magazine : Give and Take.
En adressant des créneaux spécifiques à un travail très intense et sans interruption, Adam Grant de tire partie de la lois de productivité suivante :
Production d’un travail d’excellente qualité égale temps passé multiplié par intensité de la concentration.
Il apparaît que cette équation sur l’intensité de concentration soit également valable pour d’autres tâches exigeantes sur le plan cognitif. Mais pourquoi ?
Sophie Leroy, professeur d’administration des affaires à l’université du Minnesota, à publié en 2009 un article intitulé : Why is it so hard to do my work.
Elle explique dans cet article, que lorsque nous passons d’une tâche A à une tâche B, une partie de notre attention reste pour un temps figée sur la tâche A. C’est ce que Sophie Leroy nomme le reste d’attention.
Nous sommes ainsi moins performant sur la tâche B, d’autant plus si la concentration portée sur la tâche A était de faible intensité. Le reste d’attention persiste, même si la tâche A est terminée.
En travaillant longtemps sur une même tâche sans interruption, nous optimisons nos résultats et évitons l’effet du reste d’attention.
Pour produire une performance au sommet, vous devez exécuter une seule tache sur de longues périodes, et sans distraction. Autrement dit, le type de travail qui optimise votre performance, est le travail en profondeur.
Et Jack Dorsey ?
Malgré l’importance du travail en profondeur relevé dans les paraphes précédents, il est des postes pour lesquels le travail isolé serait contre productif.
Ces niches, importantes pour l’économie, restent rares, et souvent réservées aux personnes travaillant dans les hautes sphères telles que la direction de très grandes entreprises.
Ces personnes, à l’image de Jack Dorsey, cofondateur de Twitter et du système de paiement en ligne Square, sont de véritables machines à décisions, et qui contrairement aux autres employés ne sont pas automatisable.
Chapitre 2 – Le travail en profondeur est une expérience rare
On retrouve aujourd’hui dans la plupart des entreprises 3 tendances qui vont à l’encontre du travail en profondeur :
- Les espaces collectifs appelés plus communément open-space ou encore bureaux paysagés, visent en premier lieu à favoriser la communication rapide et la collaboration des employés par le principe du hasard heureux qui veut que les employés apprennent en se croisant les uns les autres. Cependant, dans un open-space le cerveaux réagit aux distractions, même si elles ne sont pas à proximité.
- L’utilisation de la messagerie instantanée permettant l’amélioration du temps de réponse au client ou la collaboration en temps réel entre les employés. Contrairement à la messagerie classique que l’on peut consulter au besoin, la messagerie instantanée, qui par définition reste connectée en permanence, favorise les interruptions et diminue la concentration.
- Demander aux producteurs de contenu (rédacteurs, journalistes, etc ..) d’être présent en permanence sur les réseaux sociaux tel que Twitter. De par la nature de son travail, un journaliste a besoin de se plonger dans des sources complexes, de se concentrer sur la qualité de sa prose. Dès lors, ces pratiques peuvent avoir un effet dévastateur sur la qualité de leur travail.
Gloria Mark, professeur d’informatique à l’université de Californie Irvine, est une spécialiste de la fragmentation de l’attention. Ses études ont démontré qu’une interruption, même courte, allonge considérablement la réalisation d’une tâche.
Dans les entreprises, les tendances actuelles abaissent activement la capacité à travailler en profondeur et la concentration des employés, même si les bienfaits promis par ces tendances pourraient être largement compensées par les avantages d’un travail en profondeur permettant de produire à un niveau d’exception.
Un véritable trou noir en matière de critères d’évaluation
Une des raisons de l’existence des tendances précitées, vient très probablement de la difficulté à évaluer leur impact financier sur le rendement de l’entreprise.
Il en va de même pour le travail en profondeur. Comment quantifier son bénéfice au sein d’une entreprise ?
En 2012, Tom Cochran, le directeur informatique de l’entreprise Atlantic Media, s’est amusé à quantifier le temps qu’il passait sur sa propre messagerie. Dans son article Email is not free, rédigé pour la Harvard Business Review, il détaille sa réflexion sur les bases de statistiques relevées à l’échelle de l’entreprise. Résultat, l’entreprise versait environ 1 million de dollars par an en salaire pour le simple traitement des e-mails.
Dans une étude sur la croissance exponentielle des salaires des dirigeants, l’économiste Thomas Piketty, explique qu’il n’est pas si simple de mesurer la contribution individuelle de chaque employé en rapport de la production d’ensemble de l’entreprise.
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La solution de facilité
La culture de la connectivité occupe une place importante. On s’attend généralement à ce que vous répondiez rapidement à un message électronique.
Au cours de ses recherches, Leslie Perlow, professeur à la Harvard Business School, a découvert que certains professionnels passaient entre 20h et 25h par semaine en dehors des heures de travail à surveiller leurs messageries, professionnelles ou personnelles.
A l’aide d’une expérience portée sur une groupe de dirigeants d’une importante entreprise, Leslie Perlow a voulu tester l’affirmation suivante: “être connecté en permanence vous aide-t-il dans votre travail ?”
L’expérience a montré que déconnecté un jour par semaine, les consultants avaient une meilleure communication entre eux, le travail fourni était de plus grande qualité, et les clients bénéficiaient de meilleurs produits.
Alors pourquoi conserver ces comportements ?
Parce que c’est plus facile, et que répondre rapidement à de nombreux messages permet de se sentir plus productif !
En l’absence de messagerie, il vous faudrait mieux planifier votre journée et optimiser le temps et l’importance des tâches à effectuer, mais ce type de planification est difficile à mettre en œuvre.
S’affairer pour prouver sa productivité
Un professeur d’université est un type de travailleur du savoir un peu particulier. La productivité dans leur domaine est mesurée par l’indice de Hirsch. Cet indice, qui se base sur le nombre et la qualité des publications, permet de voir rapidement si les habitudes de travail sont les bonnes.
Ainsi, la clarté de ce qui est important apporte de la clarté sur ce qui ne l’est pas.
Le physicien Richard Feynman, utilisait une technique un peu particulière afin de ne pas être détourné de ce qui pour lui était important. Il disait à tout le monde : “Je suis activement irresponsable, je ne fais rien”. Feynman aurait probablement démissionné ou changé d’université si on lui avait demandé de travailler dans un bureau paysagé.
Pour bon nombre d’employés, de travailleurs du savoir, et de responsables, la situation n’est pas aussi simple. Les objectifs ne sont pas toujours clairs, et leur productivité ne peut pas être démontrée par un indice de Hirsch, ou par un produit fini.
Ils font alors beaucoup de choses de façon très voyante comme répondre et envoyer des e-mails, ou participer à des réunions. Il faut montrer que vous êtes occupé pour convaincre les autres, mais aussi vous-même, que vous faites du bon travail.
En 2013, la nouvelle PDG de Yahoo, Marissa Mayer, a interdit à ses employés de travailler depuis leur domicile, sous prétexte qu’ils ne se connectent pas assez au serveur de l’entreprise, leur messagerie, et paraissent donc improductifs.
Cette façon de voir les choses est un autre temps. Mesurer ainsi de l’activité des employés date de l’ère industrielle, époque ou Frederick Winslow Taylor observait les employés à la chaîne pour optimiser les rendements.
Si Adam Grant, le plus jeune full professor de Wharton qui s’enferme pour travailler, avait été employé chez Yahoo, il aurait probablement été licencié. Pourtant sa stratégie, basée sur le travail en profondeur, a produit énormément de valeur.
Malgré tout, les comportements comme celui de Marissa Mayer au sein de Yahoo, ne sont pas totalement irrationnelles, dans la mesure où il n’existe aucune façon d’évaluer simplement la productivité d’un employé en rapport du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Le culte de l’internet
Neil Postman, théoricien des médias et ancien professeur de l’université de New York, affirmait dans les années 1990, que notre société glissait vers une relation trouble avec la technologie. Mais également que nous ne comparions plus les atouts des nouvelles technologies aux problèmes qu’elles pouvaient faire naître.
Dans son livre Pour Tout Résoudre Cliquez Ici, Evgeny Morozov, mets l’accent sur le rôle idéologique de la technologie:
“La propension à voir en l’internet une source de sagesse et de conseils politiques, fait de cette ensemble de câbles relativement intéressants une idéologie séduisante, peut-être même l’uber-idéologie de notre temps”.
Evgeny Morozov
Nous n’évaluons plus les nouvelles technologies issues de l’internet sur leur utilités réelles et les ignorer ou les refuser devient hors de propos.
Les réseaux sociaux semblent être des outils incontournables par le simple fait qu’ils existent. Mais que se passerait-il si nous pouvions mesurer leur utilité réelle ?
Mauvais pour l’entreprise bon pour vous
Si le travail en profondeur est ignoré par les entreprises, cela signifie qu’il devient de plus en plus rare et donc de plus en plus précieux.
Savoir maîtriser la profondeur de concentration et produire de manière qualitative va ainsi vous permettre de vous démarquer objectivement.
Tel est le but du présent ouvrage.
Chapitre 3 – Le travail en profondeur est une expérience riche
Ric Furrer est forgeron. Il fabrique dans sa forge des épées de l’époque des Viking en respectant scrupuleusement une méthode de fabrication vieille de 1500 ans. Même s’ils sont difficiles, ses gestes sont précis et sa concentration est importante.
Le travail manuel artisanal qui produit un objet bien défini donne à son auteur une satisfaction du travail terminé, et une tranquillité d’esprit. Les procédures qui déterminent la façon dont l’objet doit être conçu sont clairement définies et facilement identifiables.
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Ce qui est important concernant le propos du travail manuel, est la clarté des tâches à effectuer pour arriver à produire un objet fini.
Cette clarté qui fait la force du travail artisanal à tendance à disparaître lorsqu’il s’agit d’un emploi de bureau. Bien souvent, seuls les contenus des tableaux Excel et des présentations Powerpoint différencient un domaine d’activité d’un autre.
Ce qui rend compliqué le travail du savoir et brouille les pistes du sens et de la clarté que l’on retrouve dans le travail artisanal, est cette constante nécessité qui vise à donner plus d’importance au travail superficiel, tel que répondre rapidement à un e-mail.
Le but de présent chapitre est d’apprendre à retrouver le sens et la satisfaction au sein d’un métier du savoir au même titre que celui d’un artisan.
Nous verrons trois approches permettant de donner du sens aux métiers de l’information. La première est neurologique, la seconde psychologique et la dernière philosophique.
L’argument neurologique de la profondeur de concentration
L’auteur scientifique Winifred Gallagher a appris tardivement la déclaration d’un cancer dans une phase assez avancée. Le traitement a été épuisant, mais elle a remarqué qu’en portant son attention sur ce qui comptait pour elle, sa perception des choses changeait. Elle pouvait porter son attention sur son cancer et vivre tristement, ou se concentrer sur d’autres points positifs de sa vie et vivre autrement.
La perception de notre vie tient sur ce à quoi nous portons notre attention.
Nous pensons souvent que notre vie et notre bonheur dépendent des évènements qui se produisent ou ne se produisent pas.
Or notre cerveau bâtit une image du monde qui nous entoure en fonction de ce qui compte pour nous, ce sur quoi nous avons décidé de nous focaliser et ce que nous avons décidé d’ignorer.
Si votre attention se porte sur les petites choses du quotidien, alors ces conditions deviendront votre monde. En revanche, si vous portez votre attention sur des choses plus importantes, les petits tracas du quotidien deviennent secondaires.
Winifred Gallagher résume ainsi la situation : la personne que vous êtes, ce que vous pensez, ressentez et faites, ce que vous aimer, est la somme de ce sur quoi vous vous concentrez.
Dans ses travaux de recherche, la psychologue et chercheuse spécialisée dans l’évaluation cognitive des émotions Barbara Fredrickson confirme cette approche.
Si notre attention se porte sur les aspects négatifs, alors notre vie devient triste et morne. Si en revanche notre attention se porte sur la réalisation d’objectifs satisfaisant, notre vie devient meilleure. Fondamentalement, la situation de change pas, mais la perception est différente.
En travaillant sur un sujet de manière concentré et pleine, notre perception de ce qui nous entoure devient ce sur quoi nous nous focalisons. Nous vivons en quelque sorte pour ce sur quoi nous sommes concentrés. Si l’attention est assez forte, il n’y a alors plus de place pour la distraction.
Mais, lorsque la priorité devient une activité superficielle comme la réponse rapide à des e-mails ou des messages électroniques, notre esprit va considérer cette tâche comme la plus importante, et le contenu de ces messages peut devenir le centre de notre attention.
Les messages électroniques n’ayant pas toujours une portée bienveillante, la perception objective de l’environnement peut être entravée, et devenir source de stress. Une journée de travail peut ainsi devenir épuisante, contrariante ou accaparante mentalement.
Augmenter le temps passé dans un état de profonde concentration, loin des distractions de votre boîte de réception, c’est influer sur la machine complète du cerveau humain et ainsi donner du sens et accroître la satisfaction professionnelle.
L’argument psychologique de la profondeur de concentration
Dans les années 80, le célèbre psychologue Mihály Csíkszentmihályi a mis au point une méthode permettant de mesurer l’état émotionnel et de satisfaction à un instant donné.
Le principe de la méthode d’échantillonnage des expériences, est d’interroger aléatoirement à différent moment de la journée les personnes du groupe d’étude au sujet de leur ressenti et de leur état émotionnel sur le moment.
Mihály Csíkszentmihályi a également défini en temps que potentiel maximal, l’état de concentration intense ou nous atteignons nos limites cognitives.
Contrairement à ce que nous pourrions penser, ces études ont démontré que nous sommes plus heureux lorsque nous travaillons de façon concentré, dans un contexte motivant et avec des objectifs que lorsque nous sommes dans l’oisiveté.
Cela peut s’expliquer par l’existence d’un cadre défini lorsque nous travaillons alors que l’oisiveté requiert de s’organiser pour en profiter pleinement.
Cette analyse recoupe l’argument neurologique et les thèses de Winifred Gallagher, mais sous un angle différent.
Pour Gallagher, focaliser notre attention permet de changer la perception de notre environnement et pour Mihály Csíkszentmihályi, travailler concentré permet de se sentir plus heureux.
Les décennies de recherches de Mihály Csíkszentmihályi, valident le fait qu’en faisant les choses en profondeur, la conscience s’organise d’une manière qui donne du sens à la vie.
L’argument philosophique de la profondeur de concentration
L’argument principal de cette partie reprend celui évoqué en début de chapitre au sujet du travail artisanal comme le forgeron Ric Furrer.
L’artisan exerce son activité dans un univers ordonné. Ses réalisations sont tangibles. Le sens et la direction de son œuvre sont facilement identifiables. La concentration et l’affinage des gestes de l’artisan mènent inévitablement à l’excellence.
Le sens que l’on retrouve chez les artisans, n’est pas intrinsèque à leur métier. Le sens peut également se trouver dans tous les autres emplois.
Il y a toujours, par exemple dans la structure globale d’un projet, de la place pour l’individualité et l’artisanat, quel que soit le domaine d’activité.
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Ce qui donne du sens, c’est la capacité à se concentrer, à faire évoluer ses compétences, ses connaissances et laisser le talent s’exprimer en dehors des tâches superficielles de la messagerie électronique.
L’Homosapiens en quête de profondeur
Nous pouvons résumer les chapitres précédents par le fait que le travail en profondeur est précieux et rare.
La suite de l’ouvrage établit un programme strict permettant d’accéder à la profondeur de concentration.
Une vie profonde est satisfaisante sous quelque angles que vous la regardiez.
Ma conclusion pour cette 1ère partie
La plupart des personnes ayant un parcours d’exception se différencient principalement par leur méthode de travail.
Ils travaillent ou étudient coupés de toutes distractions afin de pouvoir focaliser leur attention sur ce qu’ils souhaitent apprendre ou accomplir.
Ils font le choix de s’isoler sur une durée déterminée pour produire un travail de qualité.
Comme l’ont démontré de nombreuses études, les outils de réseaux réduisent la capacité de concentration. Il est donc primordiale de se couper de toutes les distractions lorsque l’on étudie.
Il faut apprendre à son esprit à rester focalisé.
Tout comme l’artisan qui façonne un objet, il est important de toujours viser un résultat tangible et démontrable dans ce que l’on souhaite accomplir.
En musique, un résultat démontrable est répertoire, c’est à dire ce que vous pouvez jouer en public.
Pour beaucoup de musiciens, le travail de la technique et des gammes sont la principale source d’activité. Cependant, cela n’apporte rien de tangible dans l’absolu et mène à la frustration lorsqu’il s’agit de jouer quelque chose.
Un résultat tangible est de posséder un répertoire, la capacité à interpréter une œuvre.
Lorsque les objectifs sont bien orientés et que la technique est mise au service du répertoire, le travail du musicien s’apparente clairement à celui de l’artisan. Un travail organisé, dans un ordre précis qui mène à l’interprétation d’une œuvre complète.
La satisfaction du travail accompli ne peut exister sans cela.
Pour éviter la fragmentation de l’attention et myéliniser un circuit neuronal efficacement, c’est à dire acquérir une compétence, il est nécessaire de rester concentrer sur une même tâche sur une longue période.
Il faut donc éviter de changer d’exercice trop souvent. Préférez dédier une session de travail complète à l’acquisition d’une seule et unique habileté, puis faites une pause. Ainsi vous n’aurez pas l’effet du reste d’attention.
Avoir une longue liste d’exercices peut donner l’impression que la session de travail a été productive, mais en réalité ce n’est pas le cas. Il est plus efficace d’acquérir les habiletés les unes après les autres.
Bonne guitare à tous !